Personne:Johann Knauth
Johann Knauth |
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Date de naissance | 18 décembre 1864 |
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Date de décès | 8 février 1924 |
Métier | architecte |
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Nombre de réalisations | 7 |
Biographie
Biographie issue des recherches de Pierre Jacob, agrégé d’histoire1 :
Parmi les personnalités liées à la cathédrale de Strasbourg, on connaît Erwin von Steinbach, artisan du massif occidental, parfois Ulrich von Ensingen, qui a terminé la tour. Mais qui sait encore qui était Johann Knauth ? Sans cet homme, la cathédrale aurait été réduite à un monceau de gravats peuplé d’herbes folles. Son nom figure sur le panneau d’une rue de Strasbourg, mais n’ évoque rien pour la masse des Strasbourgeois d’ aujourd’ hui.
Né à Cologne le 18 novembre 1864, décédé le 8 février 1924 à Gengenbach (pays de Bade) et fut enterré au cimetière d' Offenbourg.
Il s' est marié le 3 septembre 1892 à une strasbourgeoise Mathilde Holzmann née le 17 novembre 1868 à Strasbourg décédée en 1949.
Johann Knauth arrive à Strasbourg à 26 ans. En 1891 il entre au service de l' Oeuvre Notre Dame.
L’Alsace est allemande depuis 1871 avec le statut de Reichsland.
Knauth est nommé architecte en chef de l’œuvre Notre-Dame le 1er avril 1905. Il reste titulaire de ce poste de Dombaumeister jusqu' au 31 mars 1921.
Cet homme, d’un abord quelque peu rude, est d’une grande rigueur intellectuelle et sait s’entourer des meilleurs collaborateurs, dont les ingénieurs Wagner et Schurch de Strasbourg. C’est lui aura à faire face à un danger mortel qui guette la cathédrale.
Le problème était déjà connu au XVIIe siècle. L’architecte de la Ville Libre Hans Heckler avait fait en 1664, des fouilles dont une représentation gravée a été conservée. Étant donné le niveau technique de l’époque, on n’avait rien pu faire.
À quoi tenait le problème ? Il y avait, depuis longtemps des variations du niveau de la nappe phréatique. Or, la cathédrale reposait en partie sur des pilotis de bois, et ces derniers, exposés à l’air, se décomposaient. À l’époque de Knauth, le processus avait été accéléré par la canalisation du Rhin : la nappe phréatique avait baissé de 2 m, et les pilotis avaient été réduits en poudre. Or, au-dessus de ces pilotis, il y avait toute la masse de l’édifice. Au sol, le poids de la Tour représentait 8 000 tonnes, à quoi s’ajoutait celui de la nef, soit 10 500 tonnes. Un fléchissement de la Tour était perceptible, avec des fissures visibles dans le 1er pilier nord. La situation était devenue alarmante. Dans les cafés de Strasbourg, on prenait tristement les paris: la Tour allait-elle tomber à gauche ou à droite? En fait, il y avait des chances qu’elle s’effondre sur la nef.
En 1906, Knauth commença ses recherches, qui confirmèrent l’imminence de la catastrophe.
En 1912, on ferma donc provisoirement la nef par une palissade. On entoura le pilier nord du narthex par un bandage de fer dans lequel on inséra des blocs de bois. Des arbalétriers en béton armé comparables à des crics furent mis en place.
On souleva les 10 000 tonnes de la Tour de 10 cm, avec des vérins hydrauliques et l’on injecta 2 000 litres de béton. L’édifice était sauvé.
Johann Knauth ne fit pas seulement son travail d’architecte de la cathédrale. Il est nommé Conservateur des Monuments Historiques d' Alsace par le gouvernement d' Alsace - Lorraine en 1909, le poste étant devenu vacant. Il participait activement à la vie municipale. Il créa le "Strasburger Münsterverein", ancêtre de la Société des Amis de la Cathédrale.
Il publia dans la "Revue Alsacienne illustrée" (1907), un article en allemand, intitulé "La cathédrale de Strasbourg et la pyramide de Cheops, l' énigme de l' architecture, et dans le "Bulletin de la Cathédrale", une étude sur le maître Erwin von Steinbach.
Il fut l' un des premiers souscripteurs pour la création du Musée Alsacien. Il fut aussi l’un des premiers adhérents de l’Association des Cités-Jardins.
Ce Rhénan était devenu un authentique Strasbourgeois et avait d’ailleurs épousé une Alsacienne.
Dans la commune d'Avolsheim le Dompeter, et le baptistère (chapelle Saint Ulrich) sont reconnus au titre des monuments historiques. La chapelle a pour voisin une église conçue par Johann Knauth en 1911. Ce bâtiment néo-roman peut, de l’extérieur, paraître kitsch, comme beaucoup d’édifices « néo », mais un coup d’œil à l’intérieur révèle un étonnant plafond de bois qui tient à la fois du néo-scandinave et du Jugendstil.
L’histoire d’amour de Knauth pour sa cathédrale fut rattrapée par la violence imbécile des hommes.
Le 2 août 1914, la 1ère Guerre Mondiale éclata. L’architecte y perdit ses deux fils.
Lorsque l’Alsace redevint française, les tracasseries commencèrent. Les travaux de stabilisation de la Cathédrale n’étaient pas terminés, et l’ on avait encore besoin de Knauth, à présent devenu un Boche. Pourtant, dès décembre 1918, il est accusé de vol d’œuvres d’art, ce dont il peut facilement se justifier.
Le 22 mai, il reçoit un avis d’expulsion, lequel est cassé par le Haut-Commissaire du Gouvernement, Alexandre Millerand. Il est soutenu par de nombreuses personnalités.
Après tout, n’a-t-il pas sauvé la Cathédrale?
N’a-t-il pas épousé une femme du pays ?
N’est-il pas intégré dans la société locale?
Malheureusement, il ne semble pas comprendre le nouveau contexte: il a des rapports houleux avec les ouvriers, travaillés par les révolutionnaires. Il ne se résout pas à demander la nationalité française, en mémoire de ses fils. Son poste est déjà convoité.
Le maire, Jacques Peirotes, est soumis à forte pression par son conseil municipal et par la presse, et adopte une attitude ondoyante. Aussi, lorsque Millerand est remplacé par Gabriel Alapetite, la situation se dégrade encore.
Un Inspecteur Général des Beaux-Arts est nommé. Ce jeune fonctionnaire venu de Paris pousse désormais à la roue. On fait évacuer à Knauth son appartement de fonction, puis le 7 janvier 1921, il est renvoyé pour « grossières erreurs de service » avant d’être expulsé vers l’Allemagne. Il n’est pas seul dans la charrette: C’est l’époque des commissions de triage, qui « épurent » les élites alsaciennes.
Le sort en Allemagne qui l’attend n’est guère plus brillant. On lui refuse toute aide pour avoir accepté de collaborer avec les Français. Il sombre dans l’oubli, rongé par le sentiment d’ingratitude et meurt à 60 ans.
Il faudra attendre un demi-siècle pour qu’on commence à le réhabiliter. Les compagnons lui ont sculpté à la base du second pilier nord, un petit homme en casquette en train de soulever le pilier à l’aide d’une bûche. Déjà, la tradition populaire s’en est emparée, comme pour beaucoup de choses dans cet édifice.
Des visiteurs se montrent le petit personnage avec des airs entendus.
On parle de l’« homme fort », du « génie de la cathédrale », voire de « Maître Jean ».
Derrière ces rumeurs, il y a le destin tragique de l’homme qui a su sauver une Cathédrale, mais qui s’est montré terriblement désarmé lorsqu’ il s’est trouvé au mauvais moment, au mauvais endroit.
L'artiste est décédé en 1924 (à l'âge de 60 ans) à Gengenbach dans l'Ortenau2,3.
Oeuvre-hommage
Date | 27/06/2015 |
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Une oeuvre d'art de Pierre Gaucher a été inaugurée place de la Cathédrale sur le bâtiment de la Poste le 27/06/2015, hommage tardif mais reconnaissant de la Ville à celui qui est considéré comme le sauveur de la cathédrale.
Adresses liées
- Eglise Saint Materne (Avolsheim) (1907 à 1911)
- Sauvegarde tour nord - Cathédrale ND-de-Strasbourg (1906 à 1913)
Personnes liées
Lien externe
- Livre numérique [archive] consacré aux travaux de Knauth sur la cathédrale, édité par les Archives de la ville et l'Eurométropole de Strasbourg
- Dna du 13/05/2012, Knauth bientôt honoré d'une statue [archive]
Références
- ↑ sur le site du Lycée Marcel Rudloff, consulté le 29/01/2018 [archive]
- ↑ Revue Alsacienne Illustrée 1909
- ↑ Journal L' Alsace Haut-Rhin du 8/2/1974